Les couleurs de nos nuits par Anaïs Coenca

« Les couleurs de nos nuits… » par Anaïs Coenca, 2007

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« Les couleurs de nos nuits… » est une exposition conçue et réalisée par Olivier Peyronnet spécifiquement pour l’Artothèque de Saint-Cloud. Le lieu-même est intégré à l’installation présentée, dans un aménagement graphique qui joue à la fois le rôle de cadre et d’échos aux trois ensembles de pièces qui s’y déploient. Les murs et plafonds y sont recouverts de carrés de couleurs « les matières du sommeil » ou de lignes peintes composant une trame orange. Le sol sera recouvert durant l’exposition d’une constellation d’étoiles, offrandes des visiteurs, symbolisant les couleurs de leurs nuits.

Au centre de l’exposition est installée une « cellule0 ». A la fois chambre et cavité cellulaire, il s’agit dans cette version, d’un espace rectangulaire fermé par six drapeaux, et abritant un lit simple. Cet espace, évoque l’intimité ultime: aucun être ne l’habite. Seules les traces de corps disparus subsistent sur un sommier troué par lequel s’échappent des éclairs de lumière.

Pour réaliser les carrés de couleurs et les deux autres ensembles qui complètent l’installation, l’artiste a effectué pendant plusieurs semaines une récolte de tissus de recouvrement de matelas, de sommiers, de taies d’oreillers … usagés trouvés sur les trottoirs de Saint-Cloud et de ses environs. Il a ainsi constitué, un inventaire , sorte de collection de couleurs aux traces ou alvéoles multiples de notre sommeil.

La force attractive de ces pièces réside dans le fait qu’elles stigmatisent une partie cachée de nos vies, de nos cellules organiques. Elles dévoilent par ses empreintes, une réalité refoulée, l’essence même de l’intimité de nos corps à travers la variété de la matière des tissus et de leurs couleurs maculées aux nuances passées. La nuit, les corps respirent, disséminent des traces de vie et impressionnent les tissus tout comme du papier photosensible en photographie. Ces tissus se chargent alors de formes, de couleurs et de matières naturelles. A partir de ces traces, Olivier Peyronnet constitue des ensembles, sortes de suaires anonymes à l’état de « drapeaux identitaires de l’intime » mesurant cent cinquante par quatre vingt dix centimètres. Par ces assemblages de tissus, l’artiste reproduit les drapeaux de douze pays et fait ainsi référence aux couleurs identitaires des différentes nationalités. L’assemblage de nombreux morceaux de tissus pour constituer un seul drapeau rappelle que les drapeaux se sont eux-mêmes constitués en plusieurs étapes liées directement à l’évolution du pays. Il y a une tension assumée dans cette assemblage inédit nation –individu…

Enfin, parmi cette récolte, l’artiste a retenu pour l’exposition deux tissus qu’il a tendus sur un caisson molletonné, retravaillés à l’aide d’une trame et appelés les « never ending paintings ». Pour ces pièces, l’intervention de l’artiste est essentiellement mimétique par rapport à l’objet référent – le sommier et les motifs et couleurs du tissu existant.

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