Trans-sites 0-1 – Jacques Leenhardt

Trans-sites 0-1  par Jacques Leenhardt, texte de présentation, 1994

(Jacques Leenhardt, sociologue et critique d’art)

 Télécharger le texte

L’association Trans-sites a été créée par Alain Bizeau, Olivier Peyronnet et Dimitri Xénakis en 1994. Elle a reçu le soutien de la ville de Montreuil pour l’ouverture au public de plusieurs friches industrielles entre 1994 et 1997.

On avait oublié que la ville, dans sa structure et ses parcours, et que l’habitat, comme trace que laisse notre manière de prendre place dans un lieu et d’y établir notre travail et notre convivialité, résumaient à leur manière notre humanité contemporaine. On avait oublié aussi que la façon dont nous installons ou préservons en ville ce que l’on appelle nature, sur le rebord de nos fenêtres, dans nos jardins ou nos parcs, constituait une des marques les plus signifiantes de notre manière de nous situer en tant que citoyens. Il n’est pas étonnant dès lors que les artistes se saisissent de ces objets. Ils nous apprennent d’abord à les voir, à porter sur eux un regard plus aigu, à les faire vraiment exister en réveillant notre indifférence oublieuse. Sans doute n’est-ce pas selon la méthode de l’archéologue, ni selon celle de l’ethnologue qu’ils procèdent. Les savoirs scientifiques ont leur logique que l’artiste ne rencontre que tangentiellement, s’il s’y sent appelé, pour qu’ils nourrissent son propos. Les artistes de Montreuil qui se sont lancés dans l’opération Trans-sites vont au contraire, tout à l’opposé des procédures objectives des scientifiques, faire jouer leurs subjectivités dans la caisse de résonance de ces coquilles vides de leurs habitants et utilisateurs, mais pleines de souvenirs, de restes qui sont autant d’incitations à penser et à rêver que de contraintes pour oeuvrer. Car ils arrivent dans ces lieux à un moment précis de leurs parcours comme artistes, et leurs parcours dans la ville croisent leur cheminement artistique ici. Demain ce sera là. Mais pour nous qui les accompagnons ce sera, ici ou là, une occasion de ressaisir ce qui nous file toujours entre les doigts, le fil de nos trajectoires et le sable de notre temps vécu.

Partager